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samedi 6 octobre 2012

Blues

C'était dans la salle d'attente d'un hôpital : une vieille m'expliquait ses maux.....
 Les controverses des hommes, les ouragans de l'histoire ; - des riens à ses yeux : son mal seul régnait dans l'espace et dans la durée.
"je ne peux pas manger, je ne peux pas dormir, j'ai peur, il doit y avoir du pus", débitait-elle en se caressant la mâchoire avec plus d'intérêt que si le sort du monde en eût dépendu.
Cet excès d'attention à soi de la part d'une commère décrépite me laissa tout d'abord indécis entre l'effroi et le dégout ; puis je quittai l'hôpital avant que mon tour ne vint, décidé à renoncer pour toujours à mes douleurs...
"cinquante-neuf secondes sur chacune de mes minutes, ruminais-je le long des rues, furent dédiées à la souffrance ou à.... l'idée de souffrance. Que n'ai-je eu une vocation de pierre !
Le "coeur": origine de tous les supplices...
J'aspire à l'objet.... à la bénédiction de la matière et de l'opacité.
Le va-et-vient d'un moucheron me parait une entreprise d'apocalypse.
C'est commettre un péché que sortir de soi...
le vent, folie de l'air ! la musique, folie du silence !
En capitulant devant la vie, ce monde à forfait au néant...
Je me démets du mouvement et de mes rêves. Absence ! tu sera ma seule gloire...
 Que le "désir" soit à jamais rayé des dictionnaires et des âmes ! je recule devant la farce vertigineuse des lendemains.
Et si je garde encore quelques espoirs, j'ai perdu pour toujours la "faculté d'espérer".
E.M. CIORAN "Précis de décomposition" 1949

  Gil "ze midnight rambler"